De la vie chère dans les DOM
Manifestation de soutien à la Guadeloupe, à Paris le 21 février 2009
François Guillot - AFP
Rappel du contexte
Au delà du passif historique connu, les Antilles forment un territoire peu peuplé (400 000 habitants en Guadeloupe, Martinique et 220 000 en Guyane) et lointain de la métropole (discontinuité territoriale). La société antillaise est également fortement inégalitaire puisque moins de 1% de la population martiniquaise contrôle 40% de la grande distribution, 50% des importations alimentaires, 90% des industries alimentaires et contribue ainsi à 20% du PIB de la Martinique.
Enfin, ces DOM forment une des régions les plus pauvres de la zone euro avec plus de 20% de taux de chômage en 2007 contre 8.1% en métropole.
Concernant les prix, les écarts de prix sont estimés entre +15% et +25% avec des écarts encore plus élevés de +68% réalisé sur 17 produits de consommation courante en Novembre 2008.
Cette situation de vie chère s'explique par 4 facteurs cumulatifs:
1) Absence de concurrence
Le petit marché insulaire des DOM est tenu par quelques enseignes (Carrefour, Cora, U, Leader Price) et de grands groupes multi activités (distribution, automobile, transport, construction) comme les groupes Loret ou Hayot. Les discounters E Leclerc ou Intermarché ainsi que les hards discounters Lidl ou Aldi sont absents de ces marchés et ne contribuent donc pas à la pression sur les prix (cf la baisse des prix occasionnés par l'arrivée médiatisée de E Leclerc en Corse).
2) Absence d'indicateurs
Etonnamment, les panélistes IRI ou Nielsen sont absents des Antilles pour cause de marché trop restreint ce qui empêche une comparaison facile entre les prix des Antilles et ceux de la métropole. A contrario, il est possible de comparer les prix parisiens avec ceux des autres régions par exemple. Mais, plus étonnant, l'institut pour la consommation (INC) et UFC Que Choisir pourtant en pointe sur le sujet des prix ne sont pas non plus aux Antilles et donc "oublient" de traiter ces zones dans les comparatifs départements par départements.
Comme le précise L Becquart, responsable de la distribution chez Nielsen dans leparisien.fr le 11 février 2009, "l'absence de chiffres sur les prix est aussi politique car celui qui commencera à faire des relevés montrera que la Martinique et la Guadeloupe sont 15% plus chères, voire plus, que la métropole et ce sera l'émeute".
Cette absence d'indicateurs pousse d'ailleurs les associations de consommateurs locales à réfléchir sur la mise en place d'un observatoire des prix comme à la Réunion précise Claude Dayg Kervella, ancien président de l'association de consommateurs CLCV Martinique dans ce même article du parisien.fr.
3) L'absence de régulation
Les Antilles sont des îles donc accessibles aux marchandises uniquement par avion ou par bateau. Là encore, il est surprenant de constater que le prix d'un container de 20 pieds ressort à 2800€ alors qu'un Le Havre - New York, la même distance, coute pour sa part 1200€. A qui profite la différence ? Surement pas à la population antillaise...
Ces prix élevés sont amplifiés par la présence d'octrois de mer qui sont répercutés dans les prix à la consommation. Ces octrois étaient là pour privilégier la production locale mais comme beaucoup de produits sont importés, cela devient un impôt indirect qui pénalise l'ensemble des antillais. Bizarrement, ce sujet est peu abordé, serait ce pour éviter de parler de fiscalité directe car ces octrois sont une ressource pour les collectivités de ces DOM.
4) L'absence de l'Etat
La situation de vie chère n'est pas actuelle : un relevé de prix accessible sur internet et datant de 1985 pointait déjà un écart de +25% entre les prix de la métropole et ceux des Antilles.
Plus récemment, le 18 juillet 2008, Mme Alliot Marie a signé avec les représentants de la distribution et des industries locales un accord visant à la baisse des prix via la mise en avant de davantage de marques de magasins (vendues moins chères) et des produits locaux. Qui en a parlé?
Comme souvent avec le gouvernement actuel, cet effet d'annonce n'a pas eu d'effet réel. La situation n'est donc pas le fruit du hasard mais d'un laisser faire où l'état n'a pas joué son rôle de régulateur, encore moins de stratège, il a juste laissé faire des acteurs économiques locaux sans arbitrer et sans favoriser la concurrence.
Plus étonnant, l'état ne s'est pas donné les moyens de suivre la vie chère dans les DOM: la poussée inflationniste de 2008 a joué le role de détonateur et il est maintenant urgent que l'autorité de la concurrence entre en scène. Près de 25 ans après les premiers constats, il était temps !