Message de Najat Vallaud Belkacem
Bonjour à tous,
Quelques mots pour vous dire à mon tour mon grand regret de ne pas être à vos cotés demain à l'Assemblée générale de DA. Je serai retenue sur Lyon où j'organise, dans le cadre de mes fonctions d'adjointe à la Ville de Lyon, une journée de réflexion nationale sur la politique de la jeunesse en ces temps de crise, de diète et de commission Hirsch qui redécouvre soudain les vertus des emplois aidés... Gérard Nicolas représentera le Rhône avec le talent qu'on lui connait.
Si j'avais pu être à vos cotés, j'aurais sans doute commencé par vous expliquer mon positionnement auprès d'autres sur la composition des listes européennes au parti socialiste. Je sais bien que cela a pu troubler certains d'entre vous qui n'ont pas hésité à m'appeler. Je vous aurais dit mon malaise face à une méthode qui a fait la part belle aux états-majors, aux petits arrangements entre amis, sur un coin de table, dans le plus grand mépris des élus locaux qui font tout le boulot par ailleurs; mon malaise face à un Parti socialiste qui fait semblant de consulter les militants sur des pseudo-votes de « validation » où il n’y a rien à décider. Il me semblait impossible de laisser passer une telle méthode sans marquer le coup, ç'aurait été une trahison à l’égard de toutes les idées que nous avons défendues avec la motion E à Reims. C’est tout cela que j’ai voulu dire, et à quoi je veux rester fidèle, bien plus qu’une question de soutien à telle ou telle personne. Je suis d’autant plus à l’aise sur ce sujet que j'ai toujours dit qu'une fois le vote advenu, je serai la première à faire campagne pour nos candidats sans aucune réserve.
Je vous aurais sans doute dit un mot aussi de ma perception des courants puisque l'inévitable question est celle de leur survie. Dans le fond, je suis comme tout le monde, les courants, les motions, les alliances, les clubs, la pesée permanente des uns et des autres pour savoir qui représente quoi, je m’en fiche un peu. Je n’ai jamais jugé de la valeur d’un homme ou d’une femme politique au trébuchet de son appartenance à un courant, ou à la taille de ses troupes. Se retrouver derrière quelqu’un, l’aider, l’accompagner, lui être fidèle, lui permettre d’aller jusqu’au bout d’une ambition qu’on partage, ça oui, ça peut avoir du sens. C'est ce que je fais, c'est ce que DA fait, auprés de Ségolène Royal. A partir de là, il faut bien s’organiser, mais c’est tout. La seule solution pour que la démocratie vive dans ce parti, c’est la parole et le pouvoir aux militants mais si, et seulement si, ils sont suffisamment nombreux et représentatifs de la diversité française, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Si on regarde bien d'ailleurs, la fameuse motion E, était une motion anti-motion, anti-courant, qui proposait un autre fonctionnement pour le parti. Nous aurions voulu obtenir ce résultat de rénovation par les urnes, proprement : je crois que le résultat sera le même au final, mais par un processus de décomposition un peu plus lent, un peu plus douloureux. C’est tout. Reims a été l’apogée de tout ça : tout le monde a construit son courant, sa motion, son alliance pour battre le mouvement qui se structurait derrière Segolène Royal. ça a marché, mais pour quelques mois. On verra bien que ça donnera, mais Ségolène Royal à mon avis n’est pas vraiment concernée par tout ça. Elle est un peu ailleurs, un peu au dessus de tout cela.
Pour moi, Ségolène, c'est l’opposante à Sarkozy que les Français écoutent : toutes ses déclarations le montrent, heureusement qu’elle est là à 100% de son temps pour faire ce travail pendant que d’autres, c’est une nécessité par ailleurs, font de la politique à un niveau qui intéresse moins les Français. Elle le fait à sa manière, complémentaire de ce que fait Martine Aubry, avec la légitimité qui est la sienne et que personne ne peut lui enlever : celle de l’ex candidate face à Sarkozy, qui a mené presque seule la bataille contre lui. En le faisant, elle est clairement DANS le Parti socialiste, et veut travailler avec sa direction. Mais elle excède le seul parti. Sa différence c'est sa vision et son ambition qui vont au-delà du seul Parti Socialiste ; elle l'a toujours dit, toujours assumé en particulier avec Désirs d’avenir.
Aujourd’hui, il y a ceux dont le rôle est de rassembler les socialistes et les mettre en ordre de marche, ils le font avec plus ou moins de succès. Et il y a Ségolène Royal qui peut aller au-delà, avec sa liberté, sa personnalité, ses idées, sa façon de faire les choses qui doit déjà convaincre au-delà, montrer chaque jour qu’une alternative à gauche est possible, en élargissant les frontières, en créant un espace des possibles capable de séduire une majorité de Français, quelle que soit leur famille politique aujourd’hui. C’est un rôle qui sert le PS, en l’ouvrant sur l’extérieur et en allant chercher des idées nouvelles, libéré peut-être des certaines « pesanteurs » internes qui ralentissent l’action, les réflexions, les propositions.
Reste pour ses partisans entrés à la direction du PS à y défendre une vraie différence: le fonctionnement du Parti. Nous admettons avoir perdu le Congrès : mais nous continuons à faire valoir nos idées sur plus de démocratie interne, plus de respect des militants, plus de débats et de dialogue, plus de nouveaux militants en espérant qu'à terme notre grande et belle idée d'une primaire pour la désignation des candidats à la présidentielle puisse l'emporter, c'est la condition de notre réussite. C'est la condition pour que les militants socialistes et plus généralement tous les sympathisants ne se fassent pas voler leur droit à choisir le candidat de la gauche à la prochaine élection présidentielle; C'est la condition enfin pour que ce ou cette candidate ne se retrouve pas comme en 2007 à faire campagne d'abord contre son propre camp. Ce combat là c'est le combat n° 1 de Désirs d'avenir.
Pour ma part, avec un beau secrétariat national consacré aux questions de société, et donc aux valeurs qui la sous-tendent, j'escompte faire entendre ma propre voix : ni entrisme ni dissidence ni emprisonnement, je compte garder ma liberté et faire entrer un peu de l'esprit de Désirs d'avenir dans la direction qui en a tant besoin.
Je profite de ce message, moi qui intervient trop rarement dans ces échanges, mais qui les lit toujours avec appétit, pour remercier les animateurs de DA qui redonnent confiance dans la politique. Je n'ai pas encore trouvé d'espace dans lequel la discussion, les échanges et la construction soient mieux menés, c'est sans doute grâce au travail exceptionnel de médiation accompli tous les jours par Fabien Pierre Nicolas et Jean Pierre Mignard.
Ségolène Royal nous a fait l'honneur avec Delphine Batho de nous désigner portes parole de ses positions, je conçois aussi ce rôle comme étant au service de Désirs d'avenir.
Amitiés à vous tous,
Najat VALLAUD BELKACEM