Michel Sapin : 'Le gouvernement triche avec la vérité'
Michel sapin est ancien ministre de l'économie et des finances, et secrétaire national du Parti socialiste à l'économie et à la fiscalité.
Quelles peuvent être les conséquences d'une récession à - 3 % en 2009 sur les finances publiques ?
Avec une contraction du produit intérieur brut (PIB) de 1,5 %, le gouvernement tablait sur un déficit budgétaire de 104 milliards d'euros, double de celui de 2008. La récession étant deux fois plus grave, le déficit budgétaire et, encore plus, celui des finances sociales, directement indexées sur une masse salariale en baisse, vont se creuser de manière considérable. Je ne sais pas jusqu'où, exactement, plongera le déficit budgétaire, mais je pense qu'il dépassera les 120 milliards et approchera les 130. De plus, dans le déficit de l'Etat d'aujourd'hui, il y a très peu de dépenses supplémentaires et beaucoup de diminutions de recettes. Il en ira de même malheureusement à l'avenir. C'est un déficit passif, constaté, alors que nous aurions besoin d'un déficit actif, d'un déficit de relance.
Que faire pour les finances sociales ?
Dans une crise aussi sérieuse que celle que nous traversons, il faut d'abord, je le redis, que le gouvernement regarde les choses en face, dise la vérité sur la crise et ses conséquences, ne la dissimule pas. Retarder ce moment de vérité constitue une erreur économique et politique grave. Or c'est ce que le gouvernement a fait jusqu'à maintenant sur le déficit budgétaire, et c'est ce qu'il va faire sur le déficit de la Sécurité sociale. Le deuxième devoir de l'exécutif, c'est de ne pas tricher. Or il s'apprête à le faire en sortant du budget de la Sécurité sociale le nouveau déficit pour l'intégrer dans le déficit budgétaire de l'Etat. Il triche avec la vérité, et avec les partenaires sociaux. La conséquence normale de l'aggravation d'un déficit, c'est l'augmentation de la dette à amortir, donc la hausse des recettes nécessaires pour éponger cette dette. Tout le reste n'est que faux-semblant et report à plus tard, en l'occurrence sur les générations futures, de la solution des problèmes.
L'augmentation des prélèvements obligatoires ne risque-t-elle pas de retarder la sortie de crise ?
Ce raisonnement serait exact si le gouvernement n'avait pas diminué les impôts et les charges sociales avec le paquet fiscal de l'été 2007. La loi TEPA, ses cadeaux fiscaux et ses exonérations insensées ôtent par avance toute crédibilité au discours que le gouvernement pourrait être tenté de tenir sur les risques de l'augmentation des prélèvements obligatoires en période de sortie de crise.
Propos recueillis par C. Gu.
Source : http://www.lemonde.fr