Georges Frêche: propos et postures

Publié le par Désirs d'Avenir Castelnau-de-Médoc

04 Février 2010 Par jpmignard

Edwy Plenel (lire le billet) nous parle d'un monde qui n'existe pas, soit qu'il n'existe plus, soit qu'il n'existe pas encore. Ce qu'il écrit avec hauteur, certes, nous grandit, puisque c'est ainsi qu'il nous voit. Mais il est à la quête d'un idéal de nous-mêmes que l'on chercherait en vain aujourd'hui.

L'éthique des comportements au PS, ou ailleurs, n'a de sens que si la cause invoquée, le temps de soi qu'on lui sacrifie, le gôut du combat partagé, la fraternité accompagnent l'engagement politique.

La démocratie de marché a tué l'illusion lyrique qui a accompagné la longue lutte de reconnaissance du monde ouvrier. Elle a définitivement dilué, absorbé ce à quoi ni le fascisme ni le communisme stalinien n'étaient tout à fait parvenus. Le marché, le progrès social et l'Etat providence ont vidé les partis en France aussi sûrement que les supermarchés les Eglises en Pologne.

Seule subsiste de la période d'avant une sous-culture de violence langagière, le désaccord politique empruntant  à la logomachie du procès d'intention, datée de la révolution française à la révolution russe, et donc insignifiante aujourd'hui...

Comme pour conjurer le temps qui fuit, ou par paresse de décrire les temps nouveaux, on use d'une virulence de propos inversement proportionnelle à la réalité des enjeux et à la distance des positions. A l'aube des années 80, Gaston Deferre, grand résistant et ô combien cultivé, s'autorisait de comparer Rocard à Déat, ministre de Philippe Pétain. La dispute portait sur un périmètre de nationalisation. Lionel Jospin, dirigeant appliqué et rigoureux, récidive en 2008 à propos de Ségolène Royal en évoquant à son propos les « néos » des années vichystes, Je ne sais même plus pour quelle raison. Pourtant tous gouvernèrent ensemble. Insignifiance des mots, épuisement des références, encore.

Toujours l'histoire  est convoquée, au risque des boursouflures toujours, du pathétique parfois. Allons jusqu'au bout. Si Besson est Laval, alors il faut prendre les armes... Sourires gênés. Il est Besson tout simplement. Et cela suffit.

L'épisode Georges Frêche est éloquent. Il serait donc un antisémite! Trente ans pour s'en apercevoir? Ah bon. C'est bien long pour un parti si sourcilleux sur les principes et qui, spiritualiste par circonstance, se découvre une âme à conserver pour ne pas perdre ses valeurs. Une âme? Mais quel concile, pardon quel congrès en a décidé? Ah bon, alors, précisément, élevons-là...

Ici je rejoins Edwy Plenel. Le seul fait qu'un dirigeant soit grossier, sans aller mobiliser une fresque historique, devrait suffire à l'écarter; mais il n'y aurait certes rien de grandiose à ce motif et il faudrait alors surtout s'empêcher de siffler Royal à Reims, déclamât-elle du Jaurès dans le texte. Siffler Aubry n'aurait pas été moins indigne. Les mots «clique», «sbires», «renégat» et autres amabilités circulant sur les forums entre «camarades» devraient être proscrits. Car même cela, une moitie de parti qui siffle l'autre dans une enceinte de Congrès devrait justifier, par décence, la dissolution d'un parti qui prône, cela ne s'invente pas, l'avènement d' «un monde plus doux». Rassurons les camarades, ceci n'est pas un motif statutaire. C'est un propos de délicat. Mais ce sont ces attitudes qui dissolvent peu à peu l'affection que l'on peut avoir pour l'héritier d'une longue et vieille histoire, commuée en récitatif sans illusion ni panache.

Les socialistes ne retrouveront une éthique de parti que le jour ou ils auront redécouverts pourquoi ils sont ensemble en regardant devant et non derrière, abandonnant là leurs chers fantômes et la réthorique usée d'un passé disparu.

Il se trouve que la longue crise que nous traversons, sarkozisme aidant, bouscule la République et la démocratie. Il s'agit d'une crise nouvelle et de menaces non encore identifiées dans l'inventaire des mauvais jours qui appelle de changer les manières de voir, changer les mots, changer les perspectives, construire une fraternité des temps présents, changer d'histoire pour influer sur le sens de l'histoire. Voilà qui conjurerait les grossièretés de langage et les paraboles usées qui font de la scène sémantique du socialisme français ce théâtre d'ombre qu'il est devenu aujourd'hui.

S'attacher à la fondation d'un grand parti démocratique de gauche du XXIe siècle, faisant converger peu à peu toutes les sensibilités œuvrant à un monde humain tout simplement et en finir avec la dialectique des procès, ce poison de l'esprit légué par Robespierre et Lénine. Voilà modestement notre entreprise. Ce jour-là, Jaurès et Blum pourront, enfin, dormir en paix, et les mots «doux» viendront tout seuls. Les mots d'aujourd'hui.

Jean-Pierre Mignard

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F
<br /> Je ne suis certainement  pas "de gauche". Mais je vais voter Georges Frêche, pour cet électron libre qui ne se laisse pas impressionner par les appareils parisiens, leur réthorique et leur<br /> hypocrisie. Il n'y a pas un seul homme politique aujourd'hui capable d'autant de franchise et de spontanéité dans ses propos. On peut l'accuser d'un certain cynisme, mais pas de<br /> dérapages, ni de langue de bois ! L'époque est à l'hyperéalisme, car ceux qui souffrent ne supportent plus les aternoiements, les faux-semblants, les ménagements, les...promesses ! Au nom de<br /> quelles virtualités idéologiques et hiérarchiques (!) veulent-ils imposer à notre région, leurs vues décalées ? Georges Frêche est au fond le meilleur candidat pour cette région. Surtout lorsqu'il<br /> déplore de devoir "offrir des boîtes de chocolats aux petits vieux" pour être élu !! <br /> Et il a mille fois raison de le dire. A force de le répéter, peut-être que les gens voteront non pas "avec leurs tripes, mais avec leur tête !". C'est une réalité, qui vaut bien le<br /> baratin de circonstance, les affirmations de séduction, les mensonges de complaisance, l'ânonement imbécile  de l'inventaire de la pensée unique. Vas-y Jojo, t'es le meilleur !<br /> <br /> <br />
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