La Croix: Ségolène Royal n’a pas renoncé à ses ambitions nationales
Les élections régionales étaient un test, sa première confrontation avec les électeurs depuis la défaite de 2007. Elle l’a passé haut la main. En obtenant près de 60 % des voix en Poitou-Charentes, Ségolène Royal a facilement conservé en mars dernier sa région. Depuis lors, pourtant, la présidente relégitimée au plan local est restée discrète, ne multipliant pas les coups d’éclat dans l’opinion ni les coups de boutoir contre la direction socialiste.
Le fond de l’air, en effet, ne paraît guère favorable à l’ancienne candidate. D’une part, son désir d’ouverture au centre a été pris à contre-pied par la déroute électorale de François Bayrou. D’autre part, la série de conventions imaginée par Martine Aubry a mis de l’ordre dans les débats internes du parti.
Surtout, Ségolène Royal a perdu son image d’enfant chérie des sondages. Ceux-ci font les yeux doux à Dominique Strauss-Kahn et enregistrent une progression constante de Martine Aubry. « Cela ne l’émeut guère, assure néanmoins Najat Belkacem, fidèle à l’ancienne candidate à la présidence de la République. Elle sait que chacun attire l’attention à un moment. C’est la règle du jeu, mais cela ne préjuge en rien de ce qui se passera demain. » Dans le parti aussi, son ancrage vacille. Ses soutiens se sont dispersés, à l’image du départ tonitruant de Gérard Collomb fustigeant son « côté madone, Eva Peron ou télévangéliste ».
Ségolène Royal a décidé de prendre son temps
À l’évidence, l’heure n’étant pas à l’offensive, Ségolène Royal a décidé de prendre son temps. « Sa stratégie, c’est d’éviter de rallumer la guerre des chefs, explique un autre de ses proches, Kamel Chibli, à qui elle a confié la présidence de son mouvement, Désirs d’avenir. Elle veut que le travail se fasse sur le fond, sans être pollué par la question de la présidentielle de 2012. » Au reste, au lendemain du scrutin régional, elle assurait sur TF1 : « À l’heure où je vous parle, je ne suis pas candidate à l’élection présidentielle. »
En attendant l’heure du choix, Ségolène Royal poursuit sa stratégie d’ancrage locale. « Alors que les Picto-Charentais lui ont envoyé une formidable déclaration de confiance, il aurait été malvenu qu’elle ne soit pas d’abord à leur service », plaide Najat Belkacem.
Une présence d’autant plus nécessaire que la région a été meurtrie par la tempête Xynthia, fournissant à l’élue un bon moyen de montrer sa solidarité avec les populations sinistrées et un terrain d’affrontement avec le gouvernement. « Elle continue de faire de sa région un laboratoire d’expérimentation qui pourra servir pour appuyer son discours sur la politique par la preuve », décrypte ainsi l’un de ses amis.
Faire entendre sa voix dans le parti sans se banaliser
Cette volonté de rester au contact des problèmes locaux n’empêche évidemment pas Ségolène Royal de garder un œil vigilant sur les affaires nationales. Elle a ainsi repris en main l’association Désirs d’avenir, dont la prochaine assemblée générale aura lieu en juillet dans sa région. « Nous avons actuellement plus de 9 000 adhérents et cela ne fait qu’augmenter », assure Kamel Chibli.
Cultivant son propre réseau, l’ancienne candidate veut aussi se faire entendre dans le parti. Mais en prenant bien soin de ne pas se banaliser. Absente de la photo de famille réunissant tous les présidents de région PS, elle a, en revanche, discuté directement avec Martine Aubry une intervention consacrée à la croissance verte lors de la convention du PS sur l’égalité, programmée à la fin de l’année.
Ségolène Royal, surtout, travaille à sa rentrée de septembre prochain. Ce sera lors d’une Fête de la fraternité, les 11 et 12 septembre, à La Cartoucherie, le théâtre de la metteuse en scène Ariane Mnouchkine. Celle-là même qui, dit-on, lui avait donné des conseils sur sa gestuelle pour son apparition si particulière lors de la première fête du genre, fin 2007 au Zénith. L’événement, qui aura lieu au moment des prémices de la campagne des primaires, pourrait servir de tremplin.
« Avec elle, je n’exclus rien »
Au regard de la situation actuelle, beaucoup de responsables socialistes pensent toutefois que Ségolène Royal n’est plus en mesure de l’emporter. « Aux primaires, elle serait balayée », prévoit un ami de Dominique Strauss-Kahn.
Il reste qu’au PS certains craignent qu’elle ne décide in fine de sauter l’étape des primaires et se présente à la présidentielle sans l’investiture du PS. « Avec elle, je n’exclus rien », s’alarme déjà un lieutenant de Martine Aubry. Même si Ségolène Royal n’est peut-être plus le centre de gravité du PS, elle n’a pas fini d’être surveillée de près par la direction socialiste.
Mathieu CASTAGNET |