Les zones d'ombre de l'affaire Soumaré - Par Jamila Aridj
"Le combat politique, c'est de battre ses adversaires et pas de les abattre." La formule du député-maire UMP du Raincy, Éric Raoult, résume à elle seule le malaise du parti majoritaire autour de "l'affaire Soumaré", dont il veut désormais éteindre l'incendie, avec comme pompier en chef Nicolas Sarkozy . Mais, au-delà de la méthode, se pose aussi la question de l'origine des informations divulguées.
Le 20 février, Francis Delattre, maire de Franconville, et Sébastien Meurant, édile de Saint-Leu-la-Forêt, accusaient Ali Soumaré, tête de liste socialiste dans le Val d'Oise aux régionales, d'être un "délinquant multirécidiviste." Des accusations fondées sur des documents "très précis", "facilement disponibles en quelques clics sur Internet", soutenait le 22 février l'UMP par la voix de son porte-parole Frédéric Lefebvre. Elles se révéleront en partie fausses
quelques jours plus tard...
Mode d'emploi
Lundi sur l'antenne de la radio RTL, Frédéric Lefebvre encourageait même "tous les auditeurs à vérifier ces informations". Enthousiasmé par son "coup médiatique", Francis Delattre n'hésitait pas de son côté à envoyer aux rédactions la démarche à suivre pour obtenir les éléments de justice. Pour l'équipe de Delattre le principe avancé était clair : si les procès sont publics, les décisions le sont aussi. C'est en effet une application du principe de publicité des débats (article R.156 du code de procédure pénale). Mais, si en théorie il est possible d'obtenir une copie au greffe d'un tribunal du jugement pénal d'un procès qui s'y est déroulé (même lorsque le demandeur est une personne extérieure au procès), en pratique il n'est pas si simple d'obtenir ces éléments.
La méthodologie suggérée par l'équipe de Delattre est semée d'embûches. Via Internet, il est demandé au minimum le nom du prévenu, la date de l'affaire ou le numéro de dossier. Quant aux juridictions elles-mêmes, certaines sont réfractaires à donner ces jugements. "Depuis que cette affaire a éclaté, on a serré un certain nombre de boulons", avance Me François Froment-Meurice, l'un des avocats du maire de Franconville, pour qui, "en temps normal, le parquet communique sans difficulté". "M. Delattre ne s'est pas procuré ses documents, on les lui a procurés, ce n'est pas la même chose, sans qu'il n'ait rien demandé d'ailleurs", lance Me Froment-Meurice. Le conseil ajoute, sibyllin : "Un certain nombre d'informations sont très faciles à obtenir, d'autres viennent de sources qui, comme toujours lorsque une affaire de ce type vient sur la place publique, envoient des documents."
"Beaucoup de flics ont consulté la fiche d'Ali Soumaré ces derniers temps"
Pour l'avocat d'Ali Soumaré, Me Jean-Pierre Mignard, "tout ceci est une petite entreprise de déstabilisation, très organisée, pour clouer au pilori un candidat". Le conseil est convaincu que "l'homonymie qui a porté M. Delattre à la confusion laisse effectivement à penser que le renseignement vient des fiches de police". Dans son viseur : le très controversé Système de traitement des infractions constatées (Stic).
Sur ce fichier central de la police figure l'identité de tout suspect, sa profession et les procédures et/ou condamnations le visant. Il est réservé aux policiers et aux magistrats qui doivent montrer patte blanche pour le consulter en entrant un numéro d'immatriculation et un code secret - qui change tous les 2-3 mois -. Des "verrous" qui devraient faciliter la clarification et l'établissement des faits dans cette affaire. Et pourtant, si "beaucoup de flics ont consulté la fiche d'Ali Soumaré ces derniers temps", comme nous le confie une source policière, "il est facile de faire disparaître toute traçabilité, en provoquant par exemple un bug informatique", nous glisse-t-elle.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) veut en avoir le coeur net. Alex Türk, son président, a adressé jeudi un courrier à Frédéric Pechenard , directeur général de la Police nationale, pour vérifier l'origine de ces informations. Me Jean-Pierre Mignard n'est pas en reste. L'avocat réclame une enquête administrative en bonne et due forme et envisage de déposer plainte en début de semaine prochaine pour violation du secret professionnel. Et Francis Delattre pourrait devenir l'arroseur arrosé dans cette affaire.
Le 20 février, Francis Delattre, maire de Franconville, et Sébastien Meurant, édile de Saint-Leu-la-Forêt, accusaient Ali Soumaré, tête de liste socialiste dans le Val d'Oise aux régionales, d'être un "délinquant multirécidiviste." Des accusations fondées sur des documents "très précis", "facilement disponibles en quelques clics sur Internet", soutenait le 22 février l'UMP par la voix de son porte-parole Frédéric Lefebvre. Elles se révéleront en partie fausses
quelques jours plus tard...
Mode d'emploi
Lundi sur l'antenne de la radio RTL, Frédéric Lefebvre encourageait même "tous les auditeurs à vérifier ces informations". Enthousiasmé par son "coup médiatique", Francis Delattre n'hésitait pas de son côté à envoyer aux rédactions la démarche à suivre pour obtenir les éléments de justice. Pour l'équipe de Delattre le principe avancé était clair : si les procès sont publics, les décisions le sont aussi. C'est en effet une application du principe de publicité des débats (article R.156 du code de procédure pénale). Mais, si en théorie il est possible d'obtenir une copie au greffe d'un tribunal du jugement pénal d'un procès qui s'y est déroulé (même lorsque le demandeur est une personne extérieure au procès), en pratique il n'est pas si simple d'obtenir ces éléments.
La méthodologie suggérée par l'équipe de Delattre est semée d'embûches. Via Internet, il est demandé au minimum le nom du prévenu, la date de l'affaire ou le numéro de dossier. Quant aux juridictions elles-mêmes, certaines sont réfractaires à donner ces jugements. "Depuis que cette affaire a éclaté, on a serré un certain nombre de boulons", avance Me François Froment-Meurice, l'un des avocats du maire de Franconville, pour qui, "en temps normal, le parquet communique sans difficulté". "M. Delattre ne s'est pas procuré ses documents, on les lui a procurés, ce n'est pas la même chose, sans qu'il n'ait rien demandé d'ailleurs", lance Me Froment-Meurice. Le conseil ajoute, sibyllin : "Un certain nombre d'informations sont très faciles à obtenir, d'autres viennent de sources qui, comme toujours lorsque une affaire de ce type vient sur la place publique, envoient des documents."
"Beaucoup de flics ont consulté la fiche d'Ali Soumaré ces derniers temps"
Pour l'avocat d'Ali Soumaré, Me Jean-Pierre Mignard, "tout ceci est une petite entreprise de déstabilisation, très organisée, pour clouer au pilori un candidat". Le conseil est convaincu que "l'homonymie qui a porté M. Delattre à la confusion laisse effectivement à penser que le renseignement vient des fiches de police". Dans son viseur : le très controversé Système de traitement des infractions constatées (Stic).
Sur ce fichier central de la police figure l'identité de tout suspect, sa profession et les procédures et/ou condamnations le visant. Il est réservé aux policiers et aux magistrats qui doivent montrer patte blanche pour le consulter en entrant un numéro d'immatriculation et un code secret - qui change tous les 2-3 mois -. Des "verrous" qui devraient faciliter la clarification et l'établissement des faits dans cette affaire. Et pourtant, si "beaucoup de flics ont consulté la fiche d'Ali Soumaré ces derniers temps", comme nous le confie une source policière, "il est facile de faire disparaître toute traçabilité, en provoquant par exemple un bug informatique", nous glisse-t-elle.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) veut en avoir le coeur net. Alex Türk, son président, a adressé jeudi un courrier à Frédéric Pechenard , directeur général de la Police nationale, pour vérifier l'origine de ces informations. Me Jean-Pierre Mignard n'est pas en reste. L'avocat réclame une enquête administrative en bonne et due forme et envisage de déposer plainte en début de semaine prochaine pour violation du secret professionnel. Et Francis Delattre pourrait devenir l'arroseur arrosé dans cette affaire.