Sécurité : Morano détourne les chiffres
La secrétaire d'Etat à la Famille vante la réussite d'un dispositif gouvernemental en se basant sur des statistiques bidon.
On peut tout faire dire aux chiffres. Y compris n’importe quoi. Le 21 septembre, Nadine Morano, secrétaire d’Etat chargée de la Famille et de la Solidarité, était invitée sur BFM TV. L’occasion de vanter la réussite des conseils des droits et devoirs des familles (CDDF), ces structures municipales prévues par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance : «Je vais à Orléans pour faire le bilan des CDDF. La délinquance des mineurs y a baissé de 25%, et la délinquance générale a baissé de 61%!», s’est-elle félicitée. L’an passé déjà, Nadine Morano avait usé de l’exemple d’Orléans pour faire la retape des CDDF, annonçant une «baisse de 80% de la délinquance dans les zones urbaines sensibles», ce qui prouvait, selon elle, que «l’accompagnement personnalisé, le partage des informations entre tous les acteurs, permet d’apporter une réponse à une famille en difficulté, à un enfant en difficulté».
Une baisse de 61% de la délinquance grâce aux CDDF ? C’est à se demander pourquoi il n’y a que quelques dizaines de mairies en France qui ont fait confiance à ce dispositif, permettant au maire de réunir autour des familles à problèmes les acteurs de la sécurité et de la prévention. La raison est peut-être que les statistiques de Morano sont... parfaitement bidons. Il est aisé de retrouver les chiffres cités par la secrétaire d’Etat dans les communiqués de la ville d’Orléans. Mais il est risible de voir ce qu’elle en fait. Ainsi, la chute de 61 % évoquée par Morano correspond, non pas à la baisse de la délinquance générale comme elle le dit (laquelle a baissé de 41 %), mais à la baisse de la délinquance de proximité. Surtout, ce chiffre correspond à une baisse enregistrée depuis 2001. Il faut donc une mauvaise foi crasse pour suggérer que cette évolution traduit le succès du CDDF local... qui a été mis en place à Orléans en novembre 2007. Depuis cette date, la délinquance générale à Orléans a baissé de 13 % selon les chiffres de la mairie, qui précise illico que ce n’est pas le seul fait du CDDF, mais d’un «ensemble de mesures». Idem pour le chiffre de 25 % que Morano présente à tort comme la baisse de la délinquance des mineurs (en fait, il s’agit de la baisse de la part des mineurs dans l’ensemble de la délinquance, ce qui n’est pas pareil): il porte aussi sur une évolution depuis huit ans. En fait, la grossière intox de Morano est bien rodée. L’an passé, la baisse des délits de 80% dans les quartiers sensibles d’Orléans, que la secrétaire d’Etat avait vendue aux journalistes comme le résultat du CDDF, correspondait déjà à une tendance depuis 2001. Le CDDF, ou le miracle d’un dispositif à efficacité rétroactive.
«Je vais à Orléans pour faire le bilan des CDDF. La délinquance des mineurs y a baissé de 25%, et la délinquance générale a baissé de 61 %!»
Source : http://www.liberation.fr