Sondage : Les Français approuvent (enfin) la réforme des retraites

Publié le par Désirs d'Avenir Castelnau-de-Médoc

Source: politique.net

Comment Le Figaro et Ipsos ont obtenu des chiffres inespérés

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C'est fait ! Ce n'était pas gagné mais l'opinion soutient enfin la réforme des retraites. C'est Le Figaro, avec l'aide d'Ipsos, qui a réussi à inverser la tendance des sondages. "Les Français approuvent la retraite à 62 ans" titre en Une Le Figaro ce mercredi. Selon l'enquête d'IPSOS, "58% des personnes interrogées acceptent la réforme". De quoi remonter le moral du gouvernement à la veille d'une grève nationale. Mais comment Le Figaro a-t-il obtenu ce chiffre miraculeux alors que les autres sondeurs (BVA, TNS/Sofres) indiquent exactement le contraire ?

 

L'art du titre

On voit déjà les ministres jubiler sur les plateaux des JT : "Vous voyez bien Laurence Ferrari, les Français ont parfaitement compris l'enjeu de la réforme et approuvent la retraite à 62 ans selon les derniers sondages". Merci qui ? Le Figaro, qui titre en Une : "Les Français approuvent la retraite à 62 ans". Incroyable retournement de situation. Le 18 juin, le sondage TNS Sofres pour Europe 1 indiquait que deux Français sur trois jugeaient le projet de réforme du gouvernement sur les retraites injuste. Le 22 juin, un sondage BVA pour Les Echos confirmait la tendance : 56% des Français sont hostiles. Quel miracle s'est-il produit dans la nuit de mardi à mercredi pour inverser la tendance ? Pour le comprendre, il faut bien lire l'article du Figaro et se plonger dans le détail de l'enquête d'Ipsos.

 


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Accepté mais non approuvé

Quand Le Figaro titre en Une que les Français "approuvent", ce verbe disparait en page intérieure (et sur le site du Figaro) pour devenir "acceptent", ce qui n'est pas la même chose. On peut très bien accepter mais ne pas approuver une réforme. Alors quelles questions a-t-on réellement posé au panel ?

A lire
l'article du Figaro, et plus encore le document d'Ipsos, on comprend aisément comment les questions ont préparé le panel à répondre positivement.

 

picto Accepté mais non approuvé dans le corps de l'article du Figaro

 

 

L'art de poser les bonnes questions, dans le bon ordre


Première question : Au sujet du financement des retraites, diriez-vous...

- Qu'il s'agit d'un problème grave qu'il faut régler d'urgence
- Que c'est un sujet de préoccupation important mais qui ne nécessite pas forcément qu'on s'en occupe tout de suite
- Que ce n'est pas un problème préoccupant

A moins de vivre sur une autre planète, après des semaines de campagne sur le thème "si on ne fait rien, il y aura un déficit de 2600 milliards d’euros en 2050" dixit le Monde, vous choisissez forcément la première ou la deuxième réponse. Bingo ! 79% des personnes interrogées pensent que c'est un problème grave qu’il faut régler d’urgence. Première étape franchie. Maintenant que l'urgence et la gravité sont ancrées dans les esprits, passons à l'attitude du gouvernement.


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Deuxième question : Toujours au sujet des retraites, diriez-vous que le gouvernement est...

- Déterminé à maintenir le système de répartition français
- Responsable vis-à-vis des générations à venir
- Courageux dans ses choix
- Attentif aux questions liées à la pénibilité de certains métiers
- Juste dans ses choix
- Ouvert au dialogue

On applaudit Ipsos pour la sélection des réponses : pas une seule remarque négative, ni la possibilité de se défiler avec la solution "ne se prononce pas". Et pour chacune de ces propositions, vous devez répondre "oui, plutôt" ou "non, plutôt".

 

Toute la subtilité est évidemment dans le "plutôt" qui vous laisse une marge d'hésitation. Imaginez la question du sondeur : "Alors, déterminé le gouvernement ?". Bah oui plutôt. "Responsable ?". Bah oui plutôt. "Courageux ?" Bah oui plutôt puisque ce n'est pas très populaire. Pour les autres propositions, vous pouvez être un peu plus négatif, cela ne changera rien, Le Figaro a obtenu ce qu'il souhaitait et peut reprendre le premier chiffre dans son article : "61% des personnes interrogées estiment qu'il est déterminé à maintenir le système de répartition français. 58% jugent même l'exécutif «responsable vis-à-vis des générations à venir»". Bingo !


Bon, une fois que vous avez estimé qu'il y avait urgence et que le gouvernement était déterminé, vous êtes mûr pour la question qui tue...


Troisième question : Vous savez que le gouvernement a annoncé le report progressif de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans en 2018 pour les générations nées après 1956. Est-ce que ce recul de deux ans de l'âge de départ légal vous semble quelque chose de...

- tout à fait acceptable
- assez acceptable
- assez inacceptable
- tout à fait inacceptable


Si vous êtes cohérent avec vous-même, comme il y a urgence et que le gouvernement est déterminé et responsable, vous avez intégré le fait que cette réforme pouvait vous "sembler quelque chose" d'acceptable ou d'assez acceptable. Là encore, les mots sont minutieusement choisis.


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On ne vous demande pas si vous êtes d'accord, mais si cela "vous semble quelque chose d'acceptable". Mais acceptable par qui ? Vous, ou les autres ? Vous pouvez très bien comprendre que cette réforme peut être acceptée par une partie de la population (mais pas forcément vous en particulier). Re-bingo ! Il ne reste plus au Figaro qu'à changer le verbe par "approuver" dans le titre (tout en laissant "acceptable" dans le corps de l'article en espérant que le lecteur inattentif n'ait pas vu le glissement sémantique) et le tour est joué !


(Avec Sandrine Magne)

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