Un seul sondage sur le Sarkoshow : résultats au choix du client…
Extraordinaires sondages ! On dit souvent qu’on peut leur faire dire tout et son contraire. Ce n’est pas toujours vrai. Mais cela arrive… trop souvent. Illustration avec un sondage portant sur la force de conviction de Nicolas Sarkozy et qui mélange, dans un échantillon à géométrie variable, les téléspectateurs de TF1 qui ont vu le président de la République à la télé, ceux qui ont simplement vu un bout du président (ou plutôt de l’émission…) et ceux qui en ont juste entendu causer. Résultat du sondage ? À vous de choisir, selon vos préférences partisanes...
« Sarkozy jugé convaincant à 69 %» nous apprend le Figaro.fr, d’après l’AFP.
« Sarkozy jugé pas convaincant par 49 % des Français » titre L’Express.fr, qui s’appuie sur l’analyse de Reuters.
Les deux agences, bien sûr, ont tout bon. Elles analysent le même sondage CSA commandé par Le Parisien (publié ce mercredi 26 janvier 2009), sauf que chacune fait son marché de manière différente, à partir d’un échantillon de départ de 805 personnes interrogées par téléphone.
Et le commanditaire du sondage ?
LeParisien.fr est le plus généreux pour ses lecteurs.
Il nous offre tout d’abord en « flash » sa version de la dépêche de l’AFP qui prouve que Sarkozy a été convaincant pour une large majorité de Français.
Puis, précédant la publication papier, il propose un article titrant sur le « scepticisme des Français », pas convaincus à 49 %.
Explications :
- Pour Lefigaro.fr (d’après l’AFP), les 69 % de Français qui ont été convaincus sont ceux qui ont vu en totalité l’intervention du président de la République. Mais on ne nous dit pas quelle est la part de l’échantillon qui a vu le président, ou plutôt son intervention, en entier. Pour nous embrouiller davantage, on nous apprend que parmi ceux qui ont vu « en partie » l’intervention présidentielle, 48% ont estimé que Nicolas Sarkozy avait été convaincant, tandis que 50% ont pensé le contraire et 2% ne se sont pas prononcés.
- L’Express.fr (d’après Reuters), pour sa part, ne retient que les 67 % de l’échantillon qui ont vu ou entendu parler de l’intervention. Là encore, l’imprécision règne, on ne connaît pas la proportion de chaque partie.
Précisons que, même pris dans son intégralité, le sondage laisse prise à toutes les interprétations.
Acrimed, en revanche, a eu recours à la haute technologie : une combinaison savante de boule de cristal, de pifomètre et d’éolienne nous a appris ce que taisent les sondeurs et leurs fans.
- Qu’une majorité de Français n’a pas regardé l’émission, parce qu’ils étaient indifférents, distraits, occupés à d’autres loisirs ou pris par d’autres soucis, ou convaincus par avance que Nicolas Sarkozy ne serait pas convaincant (on en trouve même qui n’ont pas regardé parce qu’ils étaient convaincus qu’il serait convaincant)
- Que les Français qui ont trouvé Nicolas Sarkozy convaincant n’ont pas tous été convaincus et que parmi ceux qui l’ont trouvé convaincant une forte proportion était convaincue qu’il serait convaincant (mais notre boulier s’est cassé pendant le comptage)
- Que parmi ceux qui ne sont pas convaincus qu’il ait été convaincant un certain nombre était convaincu qu’il ne serait pas convaincant (mais notre calculatrice électronique est tombée en panne en établissant le pourcentage…)
Bref, était-il besoin de commander un tel sondage – dont le pouvoir de conviction mériterait un sondage… – pour nous faire savoir que les inconditionnels de Nicolas Sarkozy l’auront trouvé convaincant, qu’ils l’aient vu ou non et que les autres sont d’un avis qui peut être différent !
En tout cas, chacun aura pu faire son petit marché avec un de ces sondages qui ne sont convaincants que pour ceux qui sont convaincus qu’ils sont convaincants, mais qui ont pour principaux mérites de donner du grain à moudre aux commentateurs et, surtout, de vendre du papier ou de la connexion sur des sites « professionnels ».
Michel Davesnes et Henri Maler