Scepticisme hostilité sur le "couvre-feu" pour les mineurs délinquants
Reuters
L'idée du ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, d'instaurer un "couvre-feu" pour les mineurs délinquants suscite l'hostilité de la gauche et le scepticisme des syndicats de policiers et de magistrats.
La proposition, formulée mardi soir devant des élus de la majorité, consisterait à interdire les sorties le soir aux mineurs de moins de 13 ans ayant accompli déjà au moins un acte de délinquance, sauf s'ils sont accompagnés par un adulte.
Le gouvernement ne précise pas pour l'heure si cette mesure fera l'objet d'un projet de loi. "C'est un bon débat, et nous verrons de quelle manière on peut mettre en oeuvre ou non cette mesure. C'est une proposition qui est sur la table", a dit son porte-parole, Luc Chatel, sur i>Télé.
L'UMP a estimé dans un communiqué que cette mesure, qui doit être prise selon elle par voie réglementaire, permettrait d'améliorer la protection des plus jeunes impliqués dans la violence et la délinquance.
Mais le président UMP de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a fait part de ses doutes.
"Ça serait sûrement assez complexe à mettre en oeuvre. Ça serait plutôt une interdiction de sortir de nuit, donc il faudrait trouver l'autorité pour l'imposer. Il faut y travailler. Ça demande une expertise approfondie", a-t-il dit dans "Questions d'info" diffusée mercredi soir sur France Info et La Chaîne parlementaire.
Le député "villepiniste" UMP Jean-Pierre Grand n'a lui pas mâché ses mots : "Tout ça n'est pas sérieux et ça navre les députés de la majorité".
"C'est une mesure qui est totalement inapplicable. J'attends de voir comment on va faire le couvre-feu dans les cités ou dans les banlieues parisiennes. Il va falloir qu'il y ait des milliers de CRS à partir de 21 heures dans les rues", a-t-il dit à Reuters.
"AUCUN INTÉRÊT"
Pour Martine Aubry, "on se moque du monde".
Le premier secrétaire du Parti socialiste a estimé sur RTL que les moyens humains et matériels de la police ne permettraient jamais de contrôler un par un les jeunes gens qui sont dans les rues le soir, et encore moins de déterminer s'ils ont un casier judiciaire.
Les syndicats de police se sont aussi montrés très réservés.
Des responsables policiers ont déclaré à Reuters qu'outre le problème de la mise en oeuvre concrète d'une interdiction de sortie, se posait celui des outils matériels. Les patrouilles de police ne disposent pas dans leurs véhicules de service d'accès à des fichiers permettant de vérifier les casiers judiciaires des personnes contrôlées, rappellent-ils.
De telles mesures de couvre-feu ont déjà été expérimentées dans certaines communes, avec un succès mitigé, et parfois des annulations des décisions municipales par les tribunaux administratifs.
"Ça n'a aucun intérêt. Ça a déjà été expérimenté dans des communes, ça n'a jamais empêché rien du tout", a dit à Reuters Laurent Bedouet, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).
La gauche juge que cette proposition constitue une manoeuvre électorale destinée à relancer le thème de l'insécurité avant les élections régionales de mars 2010.
Le ministre de l'Intérieur a assuré que 48% des personnes identifiées comme membres d'une bande violente étaient des mineurs et que 11% des 2.500 personnes identifiées comme faisant partie des "bandes" en question avaient moins de 13 ans.
Ce constat officiel est contesté par les sociologues, qui notent par ailleurs que les mises en cause de mineurs visent dans leur écrasante majorité des petits délits et non des violences et font un lien, que conteste le gouvernement, avec la dégradation de la situation économique générale.
Thierry Lévêque avec Emile Picy,