Le Banquet par Platon

Publié le par Désirs d'Avenir Castelnau-de-Médoc

J’ai découvert, partagé entre stupéfaction et points d’interrogation, la narration d’un diner, qui a eu lieu, le 19 Septembre à Paris dans plusieurs journaux nationaux ! Libération, Le Point, et d’autres.

Un diner comme il en existe des dizaines de milliers, en France, un samedi soir. Entre amis. Des amis d’un genre un peu particulier. Anciens collaborateurs de Ségolène Royal, ou amis, plus quelques manipulateurs, invités. Ce diner, a priori totalement anodin, est devenu, semble t-il, un évènement politique majeur, relaté par le menu dans deux organes de presse, et non des moindres : Libération et le Point. Une page entière avec appel de Une pour le quotidien. Mazette ! 5 pages avec photos pour l’hebdomadaire…. Sur le même diner.

Avec les mêmes dineurs, dans le même restaurant, le même jour et à la même heure. La, je me pinçais en me disant d’abord : « Mince ! On doit vraiment bien manger dans ce restaurant. Pour que tant de gens aient envie de s’y retrouver et tant de journalistes d’en parler »

Faut il qu’il se soit dit des choses essentielles, faut il qu’il se soit échangé des secrets d’états pour que cette réunion improbable autour d’un verre d’Ovietto dans un restaurant italien parisien se soit transformée en conjuration de Catalina. Sur un mode mineur, il est vrai.
Ah ! Une société secrète, structurée,  planifiant un assassinat en règle, et se réunissant à la lueur des bougies dans une cave, avec mot de passe à l’entrée pour évoquer  l’impitoyable  Ségolène Royal, l’indisciplinée Ségolène Royal, la terrrrrible Ségolène Royal ! Voilà qui aurait eu un certain panache, une certaine envergure. Voilà qui eut mérité cette encre !

Mais non..rien de tel. Seulement  la tristesse réelle des uns, la mauvaise foi des autres , les critiques, peut être justifiées, tant de sentiments complexes qui font la vie des entourages politiques , tant de sentiments  recyclés et retransmis  à la presse dans un calcul politique évident. D’ailleurs, certains, se retrouvant piégés dans un film qui n’était pas le leur, comme Jean Pierre Mignard ont immédiatement démenti. Des démentis sincères contre une narration perverse et orientée.

Tout y était dans les moindres détails. Comme ses supposées conversations téléphoniques dans une voiture.

Faut- il être diablement renseigné pour connaître même la teneur des coups de fil de l’ex candidate.

Lorsqu’on connait les précautions dont s’entoure Ségolène Royal ou n’importe quel homme ou femme politique de ce niveau pour passer ses coups de fil, on se dit qu’il y a soit de l’espionnage, soit de la romance.  

Mais continuons sur ces inénarrables papiers. On apprend qu’un grand dirigeant socialiste est tellement inquiet pour elle qu’il envoie des sms à son cabinet sur lesquels on peut lire " Protégez la " La protéger… Mais de quoi donc ? Voyons… réfléchissons ! Ah, bien sur… la protéger de Monsieur André  Hadjez !

Nous y voilà. Le voilà donc l’affreux jojo, le Méphisto de Casablanca, le Nosfératu de l’internet . Voilà André Hadjez affublé d’un sombrero bien large.

Il nous en deviendrait presqu’immédiatement sympathique à force d’être détesté à ce point par ce  sérail, qui impose ses codes et brule sur le bucher de sa vanité tout ceux qui n’en sont pas. Car il faut en être, du sérail. J’en suis ! Et je sais à quel point tous les André Hadjez du monde représentent tout ce que ce petit monde méprise du plus fort de son être.

Mais revenons à ce diner et aux analyses qui en ont été faites, en public ou en privé. Ségolène Royal était donc en danger, faible femme qui ne sait pas ce qu’elle fait, qui ne sait pas où elle va, flanquée d’un homme « étrange » « énigmatique »  « mystèrieux. » L’abominable homme des sables, accusé aussi d’avoir voulu faire les poches de Pierre Bergé, via le nouveau site internet de l’ex candidate.

Faible femme, soumise aux influences sentimentales, voilà qui complétait le tableau tracé depuis sa conquête en 2006 :girouette, incompétente  et devant être protégée  surtout d’elle-même d’ailleurs….forcément.

Ce diner, dont plusieurs convives ont eu un électrochoc en retrouvant leur nom et leur propos dans la presse, ce diner aurait donc été, la dernière illustration de cette fragilité chronique, donc d’une disqualification, de fait, pour toute compétition nationale à venir.

CQFD

Car c’est bien cela, plus largement, qu’il fallait démontrer, à travers ces fuites organisées, depuis 1 mois. D’abord sur le site internet, ensuite sur le compagnon, enfin sur la vie au sein même de ses bureaux, de sa voiture, de ses mails.
Il fallait démontrer que  Ségolène Royal est seule !

Nous y voilà !

Il y a 1 mois, elle était  isolée.

Une semaine plus tard , elle était  trés trés isolée !

La semaine suivante, elle était  carrément  seule !

Avant de  découvrir, à travers ces articles, que «  cette fois elle est VRAIMENT seule » tout étant dans le VRAIMENT

Seule Ségolène Royal ? C’est d’abord faire injure à son conseil politique, qui se réunit, chaque semaine, composé de fidèles de la première heure , qu’il s’agisse de Jean Louis Bianco ou de François Rebsamen et de cette jeune garde, la relève , Delphine Batho, Guillaume Garot ou Najat Varaud-Belkacem.

Seule Ségolène Royal ? 6 à 8000 adhérents à Désirs d’Avenir, au bas mot. Entre 300 et 600 personnes à chacune de ses Universités Populaires Participatives, ce laboratoire d’idées où se côtoient régulièrement et en public les meilleurs spécialistes des sujets traités, que ce soit sur les liens Afrique-Europe, la Valeur travail, la crise économique ou la sécurité alimentaire.

Seule Ségolène Royal, qui réunit 3500 personnes à la Fête de la fraternité à Montpellier sans l’aide de la Fédération, encore moins des élus dont certains ont même gentiment encouragé les militants à ne pas venir à Montpellier ?

Seule Ségolène Royal ? C’est oublier un peu vite les centaines de milliers de connexions sur son site internet.

Seule Ségolène Royal, dans sa région en Poitou Charente, lorsqu’elle fait les marchés, rencontre les salariés, discutent avec les gens ?

Seule Ségolène Royal, à l’étranger lorsqu’elle est invitée en Grèce, aux USA, dans les balkans , en Afrique ou en Amérique Latine pour exposer son expertise sur la démocratie participative ou le développement durable ?

Cessons ces fadaises, ces analyses tirées par les cheveux qui consistent à démontrer à travers chaque détail, que cette femme est disqualifiée pour la présidentielle.

J’ai même lu et j’avoue que les bras m’en sont tombé, l’interview d’un spécialiste de la spécialité internet expliquant le plus sérieusement du monde que le site démontrait  qu’elle ne savait pas s’entourer, donc qu’elle ne savait pas décider, donc qu’elle n’écoutait personne, donc qu’emmenée à diriger un pays, elle serait forcément  incapable de diriger une armée ou de prendre des décisions stratégiques. Tout cela à partir d’un site qui a buggé !

«  Socrate est mortel. Les chats sont mortels. Donc Socrate est un chat »
Ce syllogisme d’Eugène Ionesco illustre à merveille la bêtise crasse de ce type de raisonnement qui empoisonnent l’analyse politique .

Oui, derrière ces fuites, incessantes, cet analyse décortiquée de tout évènement qui touche de prés ou de loin l’ex candidate à la présidentielle, il y a bel et bien une  opération politique rondement menée pour affaiblir une personnalité politique au moment le plus sensible : après une défaite et avant une reconquête. Cet instant, connu par François Mitterrand, ou Jacques Chirac, cet instant de mutation où l’on quitte ses réflexes anciens, ses vieilles habitudes où l’on se reconstruit personnellement, politiquement, après avoir fini son deuil. Ce moment délicat  où la nouvelle armure n’a pas encore remplacé l’ancienne, où l’on réfléchit à ce qu’on n’a pas fait et ce que l’on fera la prochaine fois, où l’on recompose ses équipes, son corpus idéologique, ou l’on s’ouvre à d’autres horizons  pour faire son miel et repartir à la bataille. On appelle cela une traversée du désert. Tout les hommes et les femmes politiques majeurs l’ont subie, l’ont dépassée, pour finalement triompher. J’ai traversé suffisamment de septennats pour pouvoir l’affirmer : Ségolène Royal vit  cet instant là et  ce mois infernal était destiné, non pas à la faire réfléchir mais bel et bien à la disqualifier durablement, à miner son terrain avant son tremplin des régionales.

Pierre Bergé l’a bien compris qui, en petit comité , tance ses troupes et rappelle à qui veut l’entendre qu’il soutiendra l’ex candidate jusqu’au bout. Il était là, le 5 octobre dernier, avec BHL à l’université populaire consacrée à Barak Obama. Et il sera là jusqu’au bout, malgré la tentative de l’un de  ses collaborateurs qui alimente depuis des mois la chronique politico-médiatique et ne s’en cachent même plus.

Quelles que soient les errances, les zones d’ombre, les fulgurances et le tempérament intraitable de Ségolène Royal, méritait elle ce flot venimeux, ces articles en cascades, ce bashing permanent total de gauche, de droite, du centre, des verts ?

Non, évidemment. Mais à bien y réfléchir, elle devrait en être flattée.  

Qui peut se vanter de subir un tel traitement ?

Qui peut se vanter d’être en permanence l’objet d’échos aussi farfelus que sa supposée soirée new yorkaise avec une astrologue célèbre ou la vraie fausse mission confiée par le PNUD ?
Combien de pages consacrées aux incohérences permanentes de Nicolas Sarkozy, aux valses et aux portes qui claquent dans les cabinets de tel ou tel ministres ?

Combien ? Si  peu à dire vrai au regard de ce que le moindre de ses faux pas, la moindre de ses déclarations, la moindre de ses sorties privée, déclenche comme coulée d’encre et de lave malveillante.

Si Ségolène Royal doit s’interroger sur ce qui peut déclencher ce type de comportement irrationnels, l’autre face de son charisme, elle aurait tort de se poser en victime.

Il y a dans ce monde à genou, une forme de grandeur à rester libre, à tenir debout et à le rester, même face au vent le plus violent. Surtout face au vent le plus violent.
Il y a là la marque des grands guerriers à faire de la politique comme on l’entend, comme on le croit juste, en dépassant les codes qu’elle juge obsolètes, à tort ou à raison.
Il y a la une véritable raison de se réjouir, pour qui aime  démocratie et le débat d’idée, de voir une femme qui a déjà vécu une vie que peu de leaders politiques ont eu la chance de construire : plusieurs fois ministre, députée, finaliste d’une présidentielle. Oui, il y a toutes les raisons de se réjouir  a  voir cette femme poursuivre sa route, tracer son chemin avec son sabre , sa principale qualité : le courage. Renverser la table, ouvrir la voie, chercher, proposer, trébucher, se relever , avancer comme un brise glace : l’ordre juste , la fraternité, la démocratie participative, la France métissée, la rénovation du parti socialiste. Elle a impulsé toutes ces idées et l’on voit bien à quel point son propre parti, obsédé, encore et toujours par sa candidature à la prochaine présidentielle, siphonne ces idées sans en produire de nouvelles.

Il y a enfin quelque chose de réjouissant à voir une femme assumer pleinement  sa vie privée, même si cette vie privée ne convient pas aux codes germanopratins.

On ne devrait pas sous estimer Ségolène Royal. L’an dernier, à la même époque, Bertrand Delanoë devait gagner le Congrès de façon écrasante. On vit ce qu’il advint. En Juin dernier, c’est François Bayrou qui devait dépecer le parti socialiste aux Européennes. On vit ce qu’il advint. Il fut un temps peu lointain ou Olivier Besancenot était considéré comme l’opposant principal à Nicolas Sarkozy. On vit ce qu’il advint. Aujourd’hui, c’est Dominique de Villepin . Et demain ?


Ainsi va la presse , qui fabrique périodiquement des diables et des dieux, des héros et des salopards. Mais seules comptent vraiment les courbes de vie qui viennent de loin, s’enracinent dans les victoires, se nourrissent des défaites, pataugent dans la boue de leur campagne, de leur rue, emballent les foules et prêchent dans le désert, marchent très accompagné ou les mains dans les poches, seuls, sous la pluie.
On appelle cela un destin politique. Peu de dirigeants sont capables de le forger.

Ségolène Royal en fait partie. Et il se pourrait bien  qu’un jour, à force d’avoir été isolée, elle soit majoritairement seule.

Platon

Publié dans Ségolène Royal

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