OTAN : réflexions sur une trahison

Publié le par Désirs d'Avenir Castelnau-de-Médoc

A l’occasion du 60ème anniversaire de la création de l’OTAN, les 3 et 4 avril prochains, Nicolas Sarkozy annoncera le retour de la France au sein de son commandement intégré.

Cette décision achèvera d’aligner la France sur les Etats-Unis, et marquera la fin de l’indépendance nationale, qui a permis au pays de faire entendre sa voix dans le monde à différentes reprises ces dernières décennies (la dernière fois en 2003 quand la France menait la coalition des pays opposés à la guerre en Irak).

L’intention du président de la République de réintégrer le noyau dur de l’OTAN appelle 5 réflexions :

1. Il s’agit d’abord d’une véritable trahison.

Pas une fois pendant sa campagne en 2007, le candidat Sarkozy n’avait expliqué aux Français qu’il braderait l’indépendance du pays une fois élu. Au contraire, il s’était attelé à les rassurer sur l’avenir de la relation franco-américaine, et la position de la France vis-à-vis de Washington, "alliée mais pas alignée" ;

2. Contrairement à ce qu’affirme la propagande gouvernementale, le retour de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN, qui rompt avec la décision prise par le général de Gaulle en 1966, n’apportera aucun gain d’influence au pays.
Comme prix de sa soumission, la France héritera de deux miettes de commandements, à Norfolk et à Lisbonne. L’OTAN est et restera une organisation très largement dominée par le commandement américain, créé par lui en 1949, et à son unique service depuis la chute de l’URSS en 1991. Il est donc parfaitement illusoire et naïf de croire que la France gagnera en influence dans le monde en prenant cette décision ;

3. Au contraire, ce retour dans l’OTAN est un signal très fort de soumission.
La situation évoluera certes peu d’un point de vue strictement matériel, mais elle changera du tout au tout au niveau des symboles. Si la France a été écoutée, si elle a pu peser dans le monde, ce n’est pas simplement en raison de son poids réel et de ses instruments de puissance, c’est aussi en effet parce qu’elle a su pendant longtemps tenir son rang, et incarner une autre voie face aux deux blocs pendant la guerre froide, et face à l’hyperpuissance américaine aujourd’hui.

Réintégrer le noyau dur de l’OTAN alors que rien ne le justifie vraiment sera nécessairement interprété dans le monde comme une marque d’allégeance.
Cette décision s’inscrit dans une tendance profonde depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, qui déjà lors d’un discours à New York le 11 septembre 2006 avait reproché à la France son "arrogance" durant la guerre en Irak, avant de répondre favorablement aux injonctions de Washington en envoyant plusieurs centaines de soldats supplémentaires en Afghanistan l’année d’après ;

4. Il faut aussi noter que ce retour au sein du commandement intégré de l’OTAN finit de démontrer que "l’Europe de la défense" n’est qu’un mythe destiné à tromper les naïfs et les éternels gogos.

Dans un même mouvement en effet, Nicolas Sarkozy, ainsi que la commission européenne, souhaitent le renforcement de l’OTAN et de l’Europe de la défense, montrant par là même que les deux sont intimement liées. En réalité, elles ne font même qu’un. L’Europe de la défense n’a pas d’autre objectif que de retirer aux Etats leurs capacités d’actions autonomes au profit d’un commandement intégré largement atlantiste et lié par une série d’accords à l’OTAN (Berlin, Berlin II, etc.).

L’Europe de la défense comme sous-traitant de l’OTAN sur le continent, voilà en réalité le projet de Bruxelles et de la plupart des gouvernements. Rappelons pour ceux qui en douteraient encore que l’actuel "Haut représentant" de l’Union européenne, Javier Solana, fut secrétaire général de l’OTAN de 1995 à 1999...

Ainsi, nous conseillons au président Sarkozy de faire une nouvelle photo officielle en remplaçant le drapeau français, qui fait tache à côté du fanion européen, par le drapeau de l’OTAN. Les étoiles de l’Europe accompagnées de celle de l’OTAN (et éventuellement de celles du drapeau américain), voilà qui serait plus conforme au projet réel du chef de l’Etat ;

5. Enfin, on peut s’interroger sur la pertinence d’une telle décision à l’heure où le modèle de développement américain est en crise aiguë.

La mondialisation voulue et impulsée par l’hyperpuissance a atteint ses limites. Les Etats-Unis perdent de leur superbe, et sortiront très affaiblis de la crise. Et c’est précisément à ce moment-là que le président de la République décide de s’intégrer un peu plus à ce modèle...Cela renforce l’archaïsme d’une telle décision et montre à quel point on se moque de l’intérêt national.

Pour toutes ces raisons, il ne faut pas baisser les bras. Un débat est en train de naître. A nous de l’alimenter de la manière la plus percutante possible, en dénonçant sans relâche l’absurdité et la nocivité d’une telle décision.

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